Il y a quelques années, la confrontation entre acheteur public et acheteur privé faisait rage dans le domaine des achats publics. La raison était simple : pour les acheteurs privés, il n’existait pas vraiment d’acheteurs dans le public. En effet, ce dernier se bornait à assurer la sécurité juridique de leurs consultations et la rédaction des pièces afférentes à leurs différents achats sans aucune autre vision, contrairement à l’acheteur privé qui n’était guidé que par l’avantage économique de son achat.

Il a fallu ces dernières années, pour que le curseur de la fonction de l’acheteur public se déplace enfin vers des enjeux plus économiques et financiers parallèlement à sa fonction traditionnelle. Arnaud Latrèche, juriste adjoint au Directeur Commande Publique du Département de la Côte d’Or, n’avait pas tort lorsqu’il affirmait que : « l’enjeu de l’achat public est de parvenir à envisager la performance de l’achat avant l’idéal juridique ».

Qu’il s’agisse de public ou de privé, l’acte d’achat consiste à satisfaire le besoin d’un « utilisateur ou d’un usager au meilleur moment, au meilleur coût dans le respect de la réglementation ». La seule différence, outre leurs statuts qui peuvent être de droit public ou de droit privé, reste le contenu de leurs fonctions respectives dans la réalisation de leurs achats.

Il est de notoriété publique que l’enjeu actuel consiste à faire de la commande publique un acte économique au service d’objectifs sociaux, environnementaux, et d’innovation, c’est la marque de la nouvelle réglementation des marchés publics. Ce qui a pour effet la recherche d’une plus grande souplesse dans l’acte d’achat d’une part, et d’autre part que l’acheteur public fasse à l’évidence moins de juridique au profit de la finalité économique qui doit désormais guider ses achats.

Il est dès lors légitime de se demander si l’acheteur public ne serait-il pas en pleine mutation ? Ses fonctions se distinguent-elles toujours de celles de l’acheteur privé ?

Il est certain que l’évolution règlementaire dans le domaine des marchés publics et l’apparition de nouveaux enjeux ont entraîné des répercussions sur les fonctions traditionnelles de l’acheteur public sans toutefois faire fondre le cœur de leurs fonctions, fort heureusement.

A l’évidence l’acheteur public s’approche à grand pas, grâce à l’évolution de ses fonctions, à l’acheteur privé mais se distingue toujours de ce dernier.

La privatisation de la fonction d’acheteur public

la visée économique croissante de l’acheteur public, assimilable à la fonction de l’acheteur privé

La performance économique s’invite désormais dans l’achat public de sorte que l’acheteur public ne se contentera plus de garantir que la sécurité juridique de son achat mais devra œuvrer à ce que son achat soit autant que possible économiquement avantageux.

La finalité économique des achats publics est devenue un critère de taille qui se justifie par la baisse observée des dotations budgétaires. Les collectivités cherchent à optimiser leurs dépenses pour retrouver des marges de manœuvre, et commencent, en ordre dispersé, à s’emparer de l’achat comme levier d’économie. Tel sera in fine l’objectif des acheteurs.

L’approche économique de l’achat public s’assimile à ce titre à l’objectif qui soustent à tout achat de l’acheteur privé qui n’oriente son achat que sous l’angle économique.

Des compétences élargies pour l’acheteur public

 

Plusieurs outils et méthodes nécessaires à l’optimisation des gains de productivité sont venus se greffer à ceux déjà existants dont l’acheteur public doit se saisir. La négociation et le sourcing sont les principaux.

La négociation, un métier maîtrisé par le privé, devenue aujourd’hui grâce au code des marchés publics un outil déterminant entre les mains de l’acheteur public, le faisant davantage se rapprocher des fonctions de l’acheteur privé. En effet, désormais, chaque fois qu’il est autorisé par les textes, le recours au dialogue et à la négociation, après publicité et mise en concurrence, peut être utilement envisagé. Il permet en effet d’obtenir un meilleur achat dans le respect des règles de transparence.

L’une des règles essentielles de la commande publique réside dans la bonne définition du besoin de l’acheteur public. Pour y parvenir il peut collecter des informations auprès des entreprises. Cette collecte d’informations est plus connue sous le terme anglais sourcing. Une technique abondamment utilisée par les acheteurs privés.

Globalement, en raison de la simplification et la dématérialisation des marchés publics, les fonctions de l’acheteur public et de l’acheteur privé tendent à se rapprocher mutuellement.

La persistance de la fonction traditionnelle de l’acheteur public

La fonction juridique de l’acheteur public désormais concurrencée et modelée

 

Le volet juridique demeure indispensable dans l’acte d’achat public. Cependant, elle ne doit pas être la finalité de l’achat, son unique idéal. Si les procédures (réglementaires ou internes) se doivent d’être au service de nos missions, la mission de l’acheteur public est de satisfaire les besoins du service public, soit l’intérêt général.

Puisque passer le marché, n’est que de la procédure au service de la satisfaction des besoins, la fonction juridique doit créer de la valeur ajoutée dans le processus achat : une sorte d’offre juridiquement avantageuse en somme. Il semble donc que l’enjeu de l’achat public est de parvenir à envisager la performance de l’achat avant l’idéal juridique. D’autant plus car la procédure si contraignante de passation des marchés publics vise à empêcher l’usage abusif des deniers publics par les organismes publics.

Le processus de contractualisation comme noyau dur des marchés publics

La différence majeure si situe au niveau du processus de contractualisation : procédures de mise en concurrence, publicité, clauses obligatoires, reporting, égalité de traitement, transparence… font la singularité de l’achat public. Cependant, même au stade de la passation du contrat, les différences tendent à s’estomper avec la négociation, dont le champ d’application gagne du terrain (procédure concurrentielle avec négociation).

Relevons également que dans le cadre de leur réflexion sur la compliance, certaines entreprises privées s’inspirent des règles de l’achat public, notamment l’information des fournisseurs non retenus et la motivation des décisions négatives.

Bien que la fonction de l’acheteur public ait subi un certain étirement de son activité, modelant ainsi le processus de contractualisation des marchés publics, ce dernier se distingue toujours de l’acheteur privé à bien d’égard.

 

 

Article rédigé par :

Yves Roland EHOUILLET

Juriste Consultant Ordiges France

Doctorant en droit international

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