Certains marchés publics, en raison de leurs natures ou de leurs montants sont soumis à des mesures liées à la concurrence internationale.
Ainsi il peut s’agir soit de garantir l’accès aux opérateurs économiques de l’Union Européenne (UE) aux marchés de pays tiers, soit au contraire d’engager une préférence européenne dans certains marchés des pays de l’UE. Quoi qu’il en soit l’objectif reste le même, assurer les intérêts de l’UE.
Garantir l’accès des opérateurs de l’UE aux marchés des pays tiers
Un Règlement Européen, en date du 23 juin 2022 établit des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l’accès des opérateurs économiques de l’UE aux marchés des pays tiers. Ainsi, voici la naissance de l’IMPI, l’Instrument relatif aux Marchés Publics Internationaux.
L’objectif ici est de lutter contre des mesures restrictives provenant de pays tiers qui ne font pas partie aux accords existants (accord plurilatéral sur les marchés publics de l’OMC et des accords commerciaux de l’UE).
Des mesures IMPI peuvent être déclenchées si, à l’issue d’une enquête suite au signalement de pratiques restrictives d’un pays tiers, la Commission établit qu’il en va de l’intérêt de l’UE. Ces mesures peuvent avoir des degrés différents.
Cela peut se matérialiser par un ajustement des résultats de l’analyse des offres ou par une exclusion pure et simple des offres émanant d’opérateurs économiques originaires du pays tiers concerné.
Notons ici qu’il n’est à aucun moment fait état de « sanctions », il s’agit ici de mesures propres à faire face à des entraves graves et récurrentes d’un pays tiers à l’accès à ses marchés par les opérateurs économiques de l’UE.
Il reste néanmoins possible de ne pas appliquer ces mesures dans le cas où :
- Seules des offres soumises par des opérateurs économiques originaires d’un pays tiers faisant l’objet d’une mesure relevant de l’IMPI satisfont aux exigences de l’appel d’offres.
- La décision de ne pas appliquer la mesure relevant de l’IMPI est justifiée par des raisons impérieuses relevant de l’intérêt public, telles que la santé publique ou la protection de l’environnement.
Quelles procédures sont concernées ?
La mesure relevant de l’IMPI s’applique uniquement aux procédures de passation de marchés dont la valeur estimée est égale ou supérieure à 15 000 000€ HT pour les travaux et les concessions, et égale ou supérieure à 5 000 000 € HT pour les biens et services.
Une mesure relevant de l’IMPI expire 5 ans après son entrée en vigueur et peut-être prorogée pour une durée équivalente.
Quels impacts pour les acheteurs ?
En plus de la faculté d’ajuster le résultat ou d’exclure des offres, il convient d’inclure dans les documents de marchés publics des procédures de passations concernées les obligations suivantes :
- Sur la sous-traitance: ne pas sous-traiter plus de 50 % de la valeur totale du marché à des opérateurs économiques originaires d’un pays tiers faisant l’objet d’une mesure relevant de l’IMPI ;
- Sur la provenance des produits: pour les marchés de fourniture, les biens ou les services fournis dans le cadre de l’exécution du marché et originaires du pays tiers faisant l’objet d’une mesure relevant de l’IMPI ne représentent pas plus de 50 % de la valeur totale du marché.
Les opérateurs économiques doivent pouvoir fournir une preuve adéquate pour garantir le respect de ces deux obligations au plus tard au terme de l’exécution du marché.
En cas de non-respect, des sanctions financières sont prévues, entre 10 % et 30 % de la valeur totale du marché.
Le Règlement exige que les documents destinés aux procédures de passations de marchés auxquelles s’applique une mesure relevant de l’IMPI incluent une référence aux obligations énoncées.
→ Ce dispositif IMPI entre en vigueur le 29 août 2022.
Dès la rentrée il conviendra donc d’être vigilant pour l’avenir et de s’assurer- pour les plus gros marchés – de l’existence ou non de mesures IMPI via le journal officiel de l’Union Européenne.
Mettre en place une préférence européenne dans les industries de réseaux
D’une autre manière l’article 85 de la directive 2014/25/UE permet sous certaines conditions de mettre en place une préférence européenne dans les marchés publics, possibilité transposée par l’article L2153-2 du Code de la commande publique. (Voir aussi notre article Marchés publics européens, des marchés publics internationaux ?)
Quelles procédures sont concernées ?
En matière d’industrie de réseaux, les marchés de fournitures passés par les entités adjudicatrices peuvent bénéficier d’un système d’exclusion et d’un droit de préférence en faveur des offres composées en majorité de produits d’origine européenne.
Autrement dit le Code prévoit que dans le cadre d’un marché de fournitures lié aux secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, une offre présentée peut-être rejetée si plus de 50 % de la valeur totale des produits composant l’offre est originaire de pays tiers.
Là encore il s’agit d’un dispositif qui concerne les états tiers qui n’ont pas conclu d’accord avec l’UE assurant un accès comparable et effectif des entreprises de l’UE aux marchés publics de ces pays.
Pour accompagner ce dispositif et sa mise en œuvre les directions du Ministère de l’Economie ont élaboré le guide des marchés publics de fournitures dans les industries de réseaux en septembre 2021.
Quels impacts pour les acheteurs ?
Il convient de prévoir en tant que pièce de la consultation un support pour la collecte des informations permettant de déterminer la provenance des produits. Un modèle est proposé dans le guide. Il est également conseillé de prévoir une clause d’exécution relative à l‘obligation de respecter les dispositions précitées de l’article L2153-2 pendant l’exécution du contrat.
Enfin, il convient d’indiquer la possibilité de la mise en place d’un contrôle ou d’un audit en cours d’exécution du marché et d’appliquer les pénalités prévues en conséquence.
Voilà donc deux instruments à des fins de protection des entreprises produisant dans l’UE face à une concurrence déloyale de pays tiers. Saurez-vous les faire sonner juste ?
Laurène BERNARDAUD
Juriste consultante – Chef de projet Ordiges France
Spécialisée en droit de la commande publique