Ces dernières années, à cause des difficultés financières couplées à la crise sanitaire, les marchés publics sont devenus un moyen clé de relance économique pour les acteurs publics de droit international.

Les marchés publics nationaux ne posent pas de problème particulier quant à leurs identifications tandis que les marchés publics internationaux (MPI) et régionaux notamment européens constituent une problématique complexe.

Les MPI se distinguent des autres catégories de marché public, notamment européen. D’une part, par leur cofinancement par des bailleurs de fonds autres que les pouvoirs adjudicateurs. D’autre part, parce que ces derniers sont des sujets de droit international (les Etats et les Organisations internationales), cela justifierait l’apposition du sceau de l’international. Une posture mitigée, car le seul critère valable et pertinent qui pourrait les distinguer des marchés publics européens (MPE) est leur champ d’application ; leur degré d’ouverture aux candidats sans distinction territoriale. D’autant plus que rien n’interdit  aux structures publiques d’avoir recours à ce mode de financement pour la réalisation de leurs marchés. Pourtant cela n’induit forcément pas que les marchés publics passés par ces derniers soient internationaux. Par conséquent se lier à ce critère de financement dans son identification n’est point déterminant.

Il est alors indispensable de se demander si les marchés publics européens peuvent, dans une certaine mesure, être assimilés aux MPI ? Autrement dit, ces marchés ne sont-ils pas destinés aux seules entités résidant sur le territoire européen ?

Une chose est sûre, si foncièrement les marchés publics européens sont destinés aux européens et à leurs entreprises, ne pas admettre son apparent degré d’ouverture aux prestataires non européens serait faire preuve de mauvaise foi.

Raison pour laquelle cette présente analyse constatera que le marché public européen reste essentiellement pour ne pas dire exclusivement – aux et pour les européens quoique exceptionnellement du fait de sa maigre ouverture, soit assimilable, de façon casuistique, aux marchés publics internationaux.

MPE : Exclusivement européen ?

Ces marchés sont principalement destinés aux entreprises ou institutions résidant sur le territoire européen du fait du  cadre général commun qui les régit et du principe de préférence en faveur des candidats européens.

Cadre général commun : les principes fondamentaux, moteur de l’ouverture des marchés publics intra-européens

La passation d’un marché public est soumise à des règles de procédure et à des règles de publicité. A ces règles contraignantes, il faut ajouter les principes fondamentaux de la commande publique (transparence, égalité, et non-discrimination) qui viennent amplifier le niveau d’exigences à la charge des pouvoirs adjudicateurs.

On a longtemps pensé que les règles et principes européens ne s’imposaient que lorsque les marchés respectifs atteignaient le seuil européen des marchés publics. A contrario, en deçà de ce seuil, il était normal que chaque Etat membre puisse appliquer sa législation, dans une certaine mesure, tout en favorisant ses entreprises.

C’est bien en cela que cette ouverture intra-européenne est visible, puisque ces principes commandant la publicité, l’égalité d’accès et la non-discrimination au profit des éventuels candidats européens aux marchés publics s’appliquent aux Etats membres et conséquemment à leurs pouvoirs adjudicateurs malgré le droit qui leur ait reconnu de légiférer les marchés en dessous du seuil.

Discrimination positive : la favorisation des candidats européens

Il est certain que l’UE n’impose pas de préférence d’achat dans l’UE. Quid des offres qui émanent d’entités extra-européennes face aux candidats européens ?

La réponse sera donnée par l’article 85 de la directive sur les services publics. En effet cette disposition autorise les entités adjudicatrices de l’UE dans les secteurs applicables (comme les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux) à rejeter les soumissions provenant de l’extérieur de l’UE lorsque la proportion de biens provenant de pays non-membres de l’UE dépasse la moitié, ou à privilégier l’offre d’une entité de l’UE en cas d’équivalence dans les prix, l’écart de prix étant de 3 %.

Selon les orientations juridiques de l’UE sur les marchés publics publiés en juillet 2019, les acheteurs du secteur public peuvent désormais rejeter les offres si plus de 50 % des produits sont originaires de pays tiers qui n’ont toujours pas ouvert leurs marchés publics, comme la Chine.

Faible internationalisation des marchés publics européens

L’internationalisation des marchés publics européens est visible tant au niveau des institutions officielles européennes que sur le plan interne, chez ses Etats membres.

L’internationalisation des marchés publics des institutions européennes

Si sur le plan interne, les MPI matérialisés par les appels d’offres internationaux et quelquefois, cofinancés par un bailleur de fonds, sont rares, sur le plan international, c’est bien évidemment la norme. Pour la simple raison que toutes ces organisations sont contraintes de respecter des règlementations et des procédures de passation de marché stricte. Elles sont soumises aux grands principes de la commande publique édictés par l’OMC :  liberté d’accès à la commande publique, égalité de traitement des candidats, transparence des procédures.

C’est sans doute l’absence de base territoriale des organisations internationales, contrairement aux Etats et leurs organismes, qui pourrait fonder l’ouverture de leurs marchés à tous les prestataires sans distinction.

Bien que l’UE ait un territoire, aucun texte ne lui impose d’ouvrir son marché public qu’aux seuls candidats de son espace. On peut donc noter que les marchés émis par les institutions européennes pour leurs besoins propres (Parlement Européen, Conseil de l’Europe, Commission Européenne) peuvent revêtir la forme MPI lorsque celles-ci émettent un appel d’offre international sans limite et conditions territoriales. L’ouverture de ses marchés durant la crise sanitaire actuelle en est une preuve, notamment le contrat conclu avec Johnson & Johnson, d’origine américaine.

La recherche de meilleures offres délaisse la préférence européenne

Il est évident que les acheteurs publics ont des contraintes juridiques dans certains cas, notamment l’imposition de la préférence des candidats européens en cas d’équivalence des prix, ou même la possibilité de rejeter purement l’offre de l’entité extra-européenne lorsque sa composition provient à moitié de l’extérieur de l’Europe, les pouvoirs adjudicateurs ont une certaine liberté en dehors de ces critères.

On peut dès lors, affirmer que ces critères ne leur interdissent pas d’admettre l’offre la plus profitable à l’occasion de leurs consultations. D’autant que chaque Etat applique sa législation soit sa volonté dès lors que le seuil européen ne sera pas atteint. Ainsi, le principe de préférence prévaut au profit de la meilleure offre donc à n’importe quels candidats, même extra-européens. Ce faisant, ces marchés passés sans limite territoriale s’alignent aux critères des MPI.

Le principe qui pourrait d’emblée permettre d’admettre que les MPE sont des MPI du fait qu’ils sont conclus par une organisation internationale comme l’UE n’est strictement pas absolu. Ainsi une appréciation casuistique s’impose pour déduire la qualification du MPE concerné parce que finalement, seul leur degré d’ouverture ou d’accès aux candidats extra-européens peut l’internationaliser.

Sources : europa.eu, boamp.fr, curia.europa.eu, eur-lex.europa.eu, www.wto.org

Article rédigé par :

Yves Roland EHOUILLET

Juriste Consultant Ordiges France

Doctorant en droit international

 

 

Share This