Grâce au décret du 9 mars 2021 relatif à l’obligation d’acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées, les acheteurs publics connaissent désormais leurs objectifs en matière d’économie circulaire.

De multiples définitions de l’économie circulaire

 

Selon le Ministère de la transition écologique, l’économie circulaire « consiste à produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets. Il s’agit de passer d’une société du tout jetable à un modèle économique plus circulaire. »

L’Agence de la transition écologique définit quant à elle l’économie circulaire comme « un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en développant le bien être des individus »

Ce système économique se décompose en sept piliers :

  • L’approvisionnement durable
  • L’écoconception
  • L’écologie industrielle et territoriale
  • L’économie de la fonctionnalité
  • La consommation responsable
  • L’allongement de la durée d’usage des produits
  • L’amélioration de la prévention, de la gestion et du recyclage des déchets

Ces définitions multiples sont intégrées au développement durable ; ce dernier prenant une place de plus en plus importante dans les politiques publiques.

Un « verdissement » progressif de la règlementation des marchés publics

La Commission européenne pose une définition des marchés publics circulaires. Il s’agit d’une « approche d’écologisation des marchés publics reconnaissant le rôle des autorités publiques dans le soutien de la transition vers une économie circulaire. »

La prise en compte de cette économie dans la règlementation de la commande publique est assez récente mais a connu un développement rapide.

Cette évolution débute en 2014 avec la Directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics. La notion du cycle de vie est introduite dans les marchés publics et plus particulièrement pour définir une spécification technique, un critère d’analyse ou une clause d’exécution.

Intervient l’année suivante, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Cette loi impose de nouveaux objectifs au secteur public en matière d’éco-responsabilité. Ces obligations supposent une exemplarité des personnes publiques.

Cette « Administration exemplaire » est décrite dans le point 44 de la Feuille de route de la commande publique de 2018 : il s’agit d’un levier afin de déployer l’économie circulaire.

C’est en 2020 que la commande publique, à travers la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, devient un véritable instrument en faveur du développement durable. Les acheteurs publics sont invités à mettre en place une culture de l’achat responsable en particulier pour les achats de biens issus du réemploi, de la réutilisation ou intégrant des matériaux recyclés.

Une obligation pour les acheteurs publics de recourir à des produits issus de l’économie circulaire

 

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite “AGEC” a pour but de transformer notre économie linéaire qui produit, consomme et jette les produits en une économie circulaire. Elle introduit une série de dispositions en faveur d’une commande publique exemplaire afin d’accroître la part des achats issus de l’économie circulaire et la prise en compte des externalités environnementales.

La loi précise en son article 58 que « à compter du 1er janvier 2021, les biens acquis annuellement par les services de l’Etat ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements sont issus du réemploi ou de la réutilisation ou intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit ».

Cette obligation devait courir à partir du 1er janvier 2021, toutefois faute de décret d’application avec des proportions définies, il a fallu attendre la parution au Journal Officiel du décret le 10 mars dernier.

Le décret d’application n°2021-254 du 9 mars 2021 est alors venu fixer la liste des produits concernés ainsi que la part minimale des achats publics, qui doit être issue des filières du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage.

Il comporte en annexe un tableau fixant ces parts. Pour chaque type de produits identifiés par leur code CPV, ces parts sont exprimées en % du montant total HT de la dépense au cours de l’année civile. Le tableau distingue :

  • Une part minimale globale de biens devant être issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées. Elle est fixée à 20%, à l’exception de la catégorie papeterie, imprimés et livres (40%).
  • et au sein de celle-ci une part minimale spécifique des biens issus uniquement du réemploi ou de la réutilisation. Elle est fixée entre 0 et 20% de la part globale.

Le gouvernement a donc déterminé une part minimale se trouvant dans la fourchette basse des proportions évoquées dans l’article 58. Quand bien même ces proportions ne sont pas faciles à respecter pour tous les types de structures publiques, ce décret permet de poser un cadre normatif. Au regard de la loi AGEC, ce cadre aurait pu être plus restrictif avec des pourcentages bien au-delà de 20%.

Les services de l’État et les collectivités territoriales concernées devront déclarer, auprès de l’Observatoire économique de la commande publique, la part de leur dépense annuelle consacrée à l’achat de ces produits. Un guide opérationnel a été publié en juin 2020 fin de faciliter l’intégration de critères d’économie circulaire dans les stratégies d’achat. Les personnes publiques pourront alors s’inspirer de ces solutions.

Un bilan devra, par la suite, être réalisé par les ministres chargés de l’environnement et de l’économie d’ici la fin 2022. Il permettra de faire évoluer la liste des produits concernés et les proportions minimales.

Existe-il une force obligatoire ?

 

Même si aucune sanction n’est directement prévue, il existe une force obligatoire des textes législatifs. Le respect de cette obligation par les personnes publiques pourra être contrôlé par le juge en cas de recours contentieux.

Un pas de géant à prévoir avec le projet Loi Climat et Résilience

 

Le développement durable s’intègre plus profondément au sein de la commande publique. Il a notamment été introduit dans les nouveaux CCAG 2021. Les dispositions ne sont toutefois pas des obligations mais bien des orientations.

Il faudra attendre le projet Loi Climat et Résilience, portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, pour que le développement durable s’ancre profondément dans le processus d’achats publics. L’article 15 imposera des clauses environnementales pour les marchés publics permettant de verdir une économie qui se veut plus circulaire.

Gwendoline GILLET

Juriste-consultante Ordiges France

Spécialisée en Droit public des affaires et contrats publics

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