En application de l’article R2162-4 du code de la commande publique (CCP), les accords-cadres peuvent être conclus :

  • Soit avec un minimum et un maximum en valeur et en quantité,
  • Soit avec seulement un maximum en valeur et en quantité.

Mais alors comment choisir, quelles sont les conséquences de conclure un accord cadre avec un minimum ? Comment la considération du maximum a-t-elle évoluée ces 12 derniers mois ?

L’intégration d’un minimum dans un accord-cadre, une faculté, pour quelles conséquences ?

 

Fixer un minimum, c’est s’engager.

Cela implique qu’en cas de non atteinte de ce montant minimum, par absence de commande ou du fait de la résiliation du contrat, le titulaire peut prétendre à la réparation du préjudice subi du fait du non-respect par l’administration de ses engagements contractuels.

Sauf stipulation contractuelle contraire, le préjudice ainsi subi comprend notamment la perte de marge bénéficiaire qu’aurait dégagée l’exécution du montant minimal de commandes prévu au marché (CAA de Bordeaux, 5 mai 2022, 20BX02620).

Notons toutefois que dans le cas d’un accord cadre reconductible l’indemnisation ne peut avoir lieu que sur les périodes réellement exécutées. Autrement dit, le manque à gagner invoqué au titre des périodes ultérieures à la première reconduction a un caractère incertain et le titulaire n’est pas fondé à en demander l’indemnisation (CAA 25 avril 2022, 19MA05387).

 

Ne pas fixer de minimum c’est ne pas devoir d’indemnisation.

Le titulaire qui en tout état de cause n’a subi aucun préjudice en l’absence d’un montant minimal de commandes garanti par le marché, n’est pas fondé à réclamer une indemnisation au titre de la résiliation du contrat (CAA de Douai, 9 février 2021, 19DA01125).

Avec ou sans mini ? Il convient donc d’être vigilant, la fixation d’un minimum est un message aux entreprises : oui un minimum de chiffre d’affaires est assuré, ou une indemnisation envisagée. Dans le cas contraire, rien n’est garanti, vont-elles se lancer et répondre à votre marché ?

Ce choix établi, il vous faut définir votre maximum, car désormais la désignation d’un plafond est une obligation.

 

L’intégration d’un maximum dans un accord-cadre, devenue une obligation, mais dans quelles mesures ?

Un an déjà que la Cour de justice de l’Union européenne a dans sa décision Simonsen & Weel de la CJUE du 17 juin 2021 mis un terme aux accords-cadres sans maximum.

 

L’application de l’obligation de maximum : son application dans le temps

Le droit national s’est aligné sur la décision de la Cour avec le décret du 23 aout 2021 n°2021-1111 qui a engagé la modification et donc l’intégration dans le code de la fin des accords-cadres sans maximum à compter du 1er janvier 2022.

Entre temps, la jurisprudence a pris les devants pour rendre l’obligation d’un maximum dans les accords-cadres immédiate, sans attendre la date fixée par le décret (TA Montreuil, 9 septembre 2021, n°2110510).

Plus qu’une application immédiate, la haute juridiction a quant à elle considéré l’application rétroactive de cette obligation de maximum. En effet, dans deux décisions le Conseil d’Etat a sanctionné des procédures de passation qui n’ont pas mentionné de maximum et pour lesquelles la publicité a été lancée avant le 17 juin, donc avant la décision de la CJUE (CE, 7ème – 2ème chambre réunies, 28 janvier 2022, n°456418 / CE, 7ème – 2ème chambre réunies, 3 février 2022, n°457233).

Aujourd’hui, et depuis le 1er janvier 2022 la règle est limpide – la fixation d’un maximum est obligatoire pour les accords-cadres. L’obligation de maximum, engagée par la CJUE a pour objectif que les entreprises soient en mesure d’apprécier leurs capacités à exécuter les obligations découlant de cet accord-cadre. Il faut tendre vers plus de transparence.

 

L’application de l’obligation d’un maximum : qu’en est-il en pratique ?

Pour les acheteurs, la vigilance est de rigueur puisque l’atteinte du maximum a pour effet de mettre fin à l’accord-cadre, et ce, quand bien même son terme ne serait pas survenu.

Il convient donc de fixer un montant maximum qui soit suffisamment élevé afin d’éviter une fin prématurée de l’accord-cadre, mais en même temps, ce montant ne doit pas être trop élevé sous peine d’être remis en cause. C’est un jeu d’équilibre ! Toutefois, il est raisonnable de considérer que le juge opérera sur le caractère réaliste ou irréaliste de ce montant maximum – qui est un élément de la définition du besoin – un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation.

Il reste que la fixation d’un maximum peut s’avérer complexe lorsqu’il existe une grande incertitude concernant l’évolution des conditions économiques de l’accord-cadre. Néanmoins, les acheteurs peuvent envisager plusieurs solutions.

D’une part, il est possible de fixer un montant maximum globalement plus élevé par rapport aux estimations de consommation, et envisager la possibilité classique de modifier ce montant maximum en cours d’exécution dans les conditions fixées par les articles R. 2194-1 à R. 2194-9 du CCP, donc de manière limitée.

D’autre part, il est possible de prévoir un maximum assorti d’une clause de réexamen. Cela pourrait permettre, au cours de l’exécution de l’accord-cadre d’augmenter significativement ce maximum. Une solution à manier avec attention car cette faculté offerte par l’article R. 2194-1 du CCP doit faire l’objet d’une clause suffisamment claire, précise et sans équivoque et prévoir les conditions de déclenchement de son application.

Voilà de quoi prendre un minimum de risques pour un maximum de commandes !

 

 

Laurène BERNARDAUD

Juriste consultante – Chef de projet Ordiges France

Spécialisée en droit de la commande publique

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