Les NFT ont été mis en avant par Dieter Shirley par le mécanisme de blockchain (minting). Tout d’abord, le token programmable est utilisé dans le cadre de transactions sécurisées sur le net. Les principaux atouts des NFT sont qu’ils sont uniques, durables et rares : c’est ce qui leur confère le caractère non fongible ; d’où leur nom “non fungible tokens” (jetons non-fongibles) stockés dans des portefeuilles numériques.  Les NFT sont un type de la famille des tokens ; concrètement tous les tokens ne sont pas des NFT mais tous les NFT sont des tokens.

Il s’agit de l’émergence d’un tout nouveau concept qui n’est pas réellement régulé par la loi française et qui sème le trouble dans les systèmes juridiques internationaux. Ainsi, cet article va permettre de poser des bases de compréhension juridique à l’échelle européenne et internationale.

 

Fongibilité : entre concepts théoriques et réalité matérielle

 

Les NFT sont par nature non-fongibles. Mais que revêt la notion de fongibilité et quelles en sont les conséquences ?

Fongible signifie interchangeable, quelconque et commun. Ainsi, un objet fongible est un objet qui, par essence revêt ces caractéristiques (exemple : la monnaie est un bien matériel fongible, elle est commune et une pièce est interchangeable avec une autre pièce de la même valeur sur un même marché). A l’inverse, le “non-fongible” revêt un caractère unique, spécial et particulier (exemple : une œuvre d’art est un bien matériel non-fongible car elle est unique, spéciale et particulière d’où sa rareté et sa non-fongibilité).

Une fois les concepts théoriques éclaircis et une réalité matérielle mise en exergue, se pose la question de savoir d’où les NFT puisent leurs non-fongibilité et leurs valeurs.

 

La norme ERC 721

Ce jeton unique et durable a été créé pour une chaîne de contrats intelligents soumise à un circuit d’approbation (workflow). L’existence des contrats intelligents est possible car chaque jeton possède un nom propre, un numéro de série, un symbole, les données de propriété et les métadonnées ; si le contrat revêt en plus les caractéristiques légales du contrat : ce dernier est juridiquement licite et donc exécutable.

Ce dernier revêt les conditions d’un contrat au sens juridique du terme à partir du moment où il répond aux critères légaux de l’article 1128 du Code civil (rencontre des consentements non viciés, contenu certain et licite etc…)

 

NFT: L’exécutabilité entraîne des conséquences matérielles et économiques mais quid des conséquences légales ?

 

Une ambivalence des qualifications légales internationales

Le législateur français reste encore timide pour légiférer en matière de NFT, car cette notion est nouvelle et couvre divers secteurs. Ainsi, la question est de savoir si les « Non Fungible Tokens » sont couverts par la loi PACTE en entrant dans la qualification juridique d’actifs numériques qui reste quelque peu en suspens et laisse place à une analyse juridique subjective.

Sur la scène internationale, les législateurs ont plus ou moins posé un cadre juridique aux NFT.  Les cadres juridiques conférés aux NFT dépendent des systèmes de lois qui varient en fonction des États. En effet, les systèmes de Civil Law n’auront pas la même approche de la législation des NFT que les systèmes de Common Law caractérisés par la règle du précédent, ils sont donc beaucoup plus flexibles et adaptables. Dans l’instabilité de la situation juridique des NFT, le juge pourra poser une qualification juridique in concreto en fonction du dessein du NFT.

Sur la scène internationale, les NFT sont qualifiés de façons différentes (ex: en Allemagne, ils sont assimilés à la monnaie).

En France, il n’existe aucune réglementation spécifique pour les NFT. Toutefois, on peut les soumettre aux dispositions de l’art 86 de la loi PACTE car ils peuvent recouvrir la qualification de jetons d’actifs numériques. De son côté, l’Autorité des Marchés Financiers ne considère pas les tokens comme des titres financiers au sens de l’article L 211-1 du Code Monétaire et Financier (CMF).

Par ailleurs, des difficultés apparaissent également lorsqu’il s’agit de protéger les NFT grâce au droit de la propriété intellectuelle. En effet, les NFT peuvent rentrer dans l’application de l’article L 111 du code de la propriété intellectuelle et de l’article L 112-1 de ce même code. Le constat est clair, il existe une véritable incertitude juridique quant à la définition et au régime légal des NFT en France.

Les objets rattachés aux NFT sont donc protégés dans une certaine mesure par le droit de propriété.

 

Le rattachement à un droit de propriété : quand le juridique rencontre le data

Dorsey (Président Directeur Général de Twitter) a vendu son premier tweet environ 3 millions de dollars. Cet exemple illustre parfaitement bien le fait que les NFT sont rares, uniques, non-fongibles et vecteur d’un droit de propriété (par le biais d’un titre de propriété dématérialisé) à la personne qui en fait l’acquisition. Ce droit de propriété découle de l’existence d’une œuvre ou d’un objet matériel ou immatériel.

Parallèlement aux réseaux sociaux, les NFT ont bouleversé l’un des secteurs les plus classiques et anciens : l’art.  En effet, la blockchain a participé à la dématérialisation et à la montée des prix en cotation dans des secteurs physiques et classiques. Pour l’illustrer cela, l’œuvre Everydays : the first 5000 days de l’artiste américain Beeple a atteint la valeur d’environ 69,3 millions de dollars.

Ainsi, les NFT sont des jetons fictifs conférant une valeur à un objet lui aussi fictif ou réel. Ils sont uniques et non interchangeables car ils sont propres à l’objet qu’ils représentent. Leur valeur se mesure par leur rareté numérique (qui est le résultat de recensement des ressources numériques pour un objet donné à un moment donné ; plus les résultats sont importants et moins l’objet aura de rareté numérique). Les « non fungible tokens » sont une sorte de certificat de rareté permettant ainsi d’attribuer une valeur numérique à une chose. Il s’agit également d’un outil de traçabilité de la chaîne de propriété car, ils sont aussi le certificat de propriété de ces choses immatérielles : c’est le smart contract. En conséquence, par le biais d’un fichier de métadonnées, une connexion à la blockchain est établie dans le but de permettre l’exécution du contrat et donc la création du NFT avec son numéro de série unique.

Smart contract : ce dernier revêt les conditions d’un contrat au sens juridique du terme à partir du moment où ce dernier répond aux critères légaux de l’article 1128 du Code civil (rencontre des consentements non viciés, contenu certain et licite etc…)

Attention ! Ce n’est pas parce que le transfert de tokens est possible qu’il entraîne avec lui un transfert de propriété ! En effet, le propriétaire de l’œuvre garde sa qualité de propriétaire.

 

L’approche fiscale européenne et le volet pénal des NFT

La jurisprudence européenne[1] ne se prononce que sur l’imposition en matière de TVA (directive TVA 2006/112/CE du 28 novembre 2006). La Cour de Justice de l’Union Européenne opère une appréciation in concreto et en fonction de l’analyse retenue, elle retiendra (ou non) un régime d’exonération de la TVA.

(Taxe sur la Valeur Ajoutée) à condition que la transaction en question soit établie en euros (il peut s’agir dans ce cas d’une transaction monétaire)

Les transactions à caractère financier que peuvent revêtir les NFT posent la question de la sécurité en matière pénale. En effet, il est nécessaire de lutter contre le blanchiment d’argent et les flux financiers illicites et les NFT (et tokens de manière plus générale) ne doivent pas échapper à la règle. Par conséquent, TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers Clandestins) s’intéresse également à ces nouveaux corps capitalistes en portant une attention toute particulière à l’identité des personnes qui les détiennent et à la valeur des seuils de transaction.

 

Jetons non fongibles (NFT) : In fine

Les NFT attisent la curiosité et la convoitise du fait de leur singularité et de leur rareté. On les retrouve de plus en plus dans divers secteurs tels que l’art, la musique, les jeux vidéo, les cartes à collectionner, la cuisine etc…

Comme toute nouvelle création, les NFT font l’objet de questionnement sur les régulations à mettre en place.

Le data est une branche de l’intelligence artificielle en constante mutation, les juristes y prêtent une attention de plus en plus ciblée et particulière afin de garantir la sécurité des transactions (qu’elles soient financières ou non) bien que le paysage juridique international actuel soit hétéroclite.

Il existe peu (pour ne pas dire pas) d’analyses juridiques internationales propres aux NFT, cette analyse et les constats tirés de cette étude sont donc les prémices d’une matière en constante évolution.

[1] ex : CJUE, 2 juillet 2020, C-231/19, Blackrock Investment Management UK Ltd

Sources : LegiFranceEUR-Lex -The Washington Post. March 18, 2021, The Washington Post, 2021 – The Economist. March 20, 2021, p68, US, Economist Intelligence Unit N.A. Incorporated, 2021.- Billboard. March 13, 2021, Vol. 133 Issue 4, p17, 2 p., Prometheus Global Media LLC, 2021.- Daily Mirror (London, England). April 19, 2021, MGN Ltd., 2021.- Mondaq Business Briefing. April 23, 2021, Garnett Karen 

Article rédigé par Souhella TAYA Juriste-Consultant Ordiges France,spécialisée en Droit international des Affaires, Droit privé, Droit pénal et sciences criminelles / marché public, commande publique

Languages skills, Graduated from UCF Global English Language Institute at University of Central Florida, Orlando, FL, Etats-Unis

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