Afin de mieux orienter les acheteurs dans leur dynamique d’achat, la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 concernant la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, autrement appelés loi « Climat et Résilience », fixe une obligation à l’Etat et ses établissements, aux opérateurs économiques d’adopter une meilleure stratégie pour une commande publique verte.

En effet, véritable levier d’orientation, les marchés publics verts peuvent être définis comme la mise en place d’une stratégie permettant aux acheteurs d’acquérir des biens et services respectueux de l’environnement. Partant, l’objectif est à la dynamisation de la commande publique en la rendant plus “ responsable”. A la suite de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, le gouvernement dévoile son engagement face à l’urgence climatique à travers une accélération des décisions.

Un décret plus responsable pour la commande publique

Le décret n° 2022-767 du 2 mai 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique et publiée au Journal officiel du 3 mai propose un nouveau dispositif en intégrant une obligation de clauses environnementales et sociétales dans la commande publique.  Il s’agit d’une modification significative de la commande publique qui apporte des évolutions non négligeables pour la protection de l’environnement car il entend verdir l’achat public.

La prise en compte du développement durable impose donc de remanier le dispositif déjà en place en prévoyant des modifications de la partie réglementaire en ces différents points mais précision quant aux dates d’entrées en vigueur de ces différentes dispositions :

D’abord, les dispositions de l’article 13 entrent en vigueur le lendemain de la publication du décret. Ensuite, les dispositions de l’article 1er entrent en vigueur le 1er janvier 2023. Également, les dispositions des articles 4, 6 et 8 entrent en vigueur à une date fixée par un arrêté du ministre chargé de l’économie et au plus tard le 1er janvier 2024 et s’appliquent aux marchés et aux contrats de concession pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter de cette date. Enfin, les dispositions des articles 2, 3, 5, 7 et 9 entrent en vigueur le 21 août 2026 et s’appliquent aux marchés et aux contrats de concession pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter de cette date.

Ce décret, bien que pris pour l’application de l’article 35 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 de l’article 35 de la loi du 22 août 2021, mentionne des décisions importantes qui impactent la vie des marchés et qui ne rentreront pas en vigueur avant le 21 août 2026. Ainsi, ces dispositions concernent d’une part, les critères de sélection des offres qui devront nécessairement tenir compte des caractéristiques environnementales aux articles 2 et 7 du décret seront intégrés dans le futur aux articles R.2152-7 et R.3124-4 du Code de la commande publique. D’autre part, les concessionnaires devront également décrire dans leur rapport annuel, les mesures mises en œuvre pour une protection effective de l’environnement qui figurera à l’article R. 3131-3

Mais quelles conséquences peut-on tirer de cette modification pour les contrats de la commande publique ?

 Un changement de paradigme des achats

  • La suppression du critère unique fondé sur le prix

 Jusqu’à l’adoption du décret n° 2022-767 du 2 mai 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique, la sélection des offres au sens de la l’article R. 2152-7 de la commande publique se fondait sur des critères, notamment le critère unique. Cependant, ce n’est plus d’actualité avec le nouveau décret qui remplace le critère unique par le coût global qui prend en compte les caractéristiques environnementales des offres fixant l’applicabilité de cette disposition à compter du 21 août 2026.

  • La prise en compte des critères écologiques et économiques dans le rapport annuel du concessionnaire

Afin de garantir une protection de l’environnement et une insertion par l’activité économique, l’apport du décret est perceptible car il vient compléter le contenu du rapport que les titulaires d’un contrat de concession de travaux ou de service doivent remettre chaque année à l’autorité concédante. Dans ce rapport annuel communiqué à l’autorité concédante, les concessionnaires devront désormais décrire les mesures mises en œuvre dans le cadre de l’exécution du contrat dont le but est de garantir une effectivité des clauses environnementales insérées lors de la phase candidature.

Aussi,  bien que répondant aux objectifs de lutte contre le dérèglement climatique, la prise en compte dans le rapport des documents justifiant une insertion par l’activité économique, disposition prévue aux articles L5132-1 et suivant du code du travail,  constitue un moyen d’incitation et de contrôle  par le gouvernement  à l’égard du titulaire du marché notamment par l’accueil et l’accompagnement contribuant de ce fait au développement des territoires.

  • L’abaissement de seuil des achats annuels

Avant le décret, pour leur volume d’achat annuel, les collectivités locales et certains gros acheteurs avaient une limite fixée à 100 millions d’euros. Désormais, il est fait obligation dans ce décret aux acheteurs d’abaisser le seuil initial à 50 millions d’euros le montant des achats annuels. Ce dispositif entrera en vigueur le 1er janvier 2023.

  • Données essentielles

L’adoption de ce décret a pour conséquence de permettre aux acheteurs publics, pour les marchés de plus de 40 000 euros de publier des données essentielles de la commande publique sur un portail national de données ouvertes data.gouv.fr. C’est une mesure simplificatrice car le recensement des marchés publics sera réalisé sur ce portail national. Il sera en vigueur à une date fixée par un arrêté du ministre chargé de l’économie et au plus tard le 1er janvier 2024.

  • L’interdiction de soumissionner rendue facultative

Pour les entreprises n’ayant pas satisfait à leur obligation d’établir un plan de vigilance, le nouveau décret rend l’interdiction de soumissionner facultative. Le décret prévoit que cette mesure entrera en vigueur le lendemain de la publication du décret.

En conclusion, le déploiement d’une commande publique verte commande nécessite de soumettre aux acheteurs à des obligations guidées par une synergie d’action tournée vers le développement durable. Les acheteurs, pour des pratiques et des prestations vertueuses des achats, devront désormais tenir compte dès la définition du besoin, des préoccupations de développement durable.

Au-delà de l’objectif premier de ce décret n° 2022-767 du 2 mai 2022, qui est d’apporter une réponse aux enjeux environnementaux sur les achats publics, il n’est tout de même pas exempt de critiques. En effet, bien qu’il soit louable dans son contenu, ce décret fait état d’un caractère excessif sur les délais d’entrée en vigueur de certaines dispositions.  Le Conseil d’Etat dans sa décision CE, 27 mai 2021, n° 441660, a déjà annulé un décret au motif que le gouvernement avait refusé d’adopter les mesures d’application de la loi après un délai de 2 ans et demi. Il serait donc important de remédier à l’entrée tardive de ces dispositions surtout dans un contexte d’urgence climatique.

Article rédigé par Prisca Yameogo et Brigitte Amewu, stagiaires juristes consultantes

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