Depuis 2007, le ministère de l’économie par le biais de l’Observatoire économique de l’achat public (OEAP) devenu l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) met à la disposition des acheteurs publics un guide sur les aspects sociaux de la commande publique.

Il a pour objet d’accompagner les acheteurs dans la mise œuvre de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, des CCAG et des objectifs du plan national pour des achats durables (PNAD) 2022-2025.

Ainsi, la DAJ a actualisé ce guide en date du 13 septembre 2022 afin de permettre aux acheteurs de prendre en compte de manière plus ambitieuse les considérations sociales et écologiques dans les marchés publics. En 2020, selon les chiffres du recensement économique de l’achat public publiés, 12,5 % des marchés publics supérieurs à 90 000 euros HT intègrent une clause sociale (rendu obligatoire pour 2026).

Dès lors, l’édition 2022 s’enrichit d’une partie sur le commerce équitable et d’une nouvelle thématique sur les modalités de promotion de l’égalité femmes-hommes.

Il conviendra d’effectuer une synthèse des différentes recommandations de ce guide afin de préciser le cadre d’intervention des acheteurs pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de la commande publique.

A titre liminaire, le bloc de constitutionnalité prévoit d’une part une égalité de tous devant la loi, qui est un principe constitutionnel issu de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et d’autre part, que la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme (cf. Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946).

De plus, l’égalité femmes-hommes s’inscrit, par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, dans le champ de la lutte contre les discriminations.

Delà, comme le rappelle la fiche 11 du guide, le code de la commande publique par son article L. 2141-4 (L. 3123-4 pour les concessions) sanctionne les entreprises qui ne respecteraient pas les obligations légales en matière d’égalité femmes-hommes par une interdiction de soumissionner aux contrats publics. Ces interdictions doivent par ailleurs figurer dans le rapport annuel obligatoire des collectivités territoriales (RAOCT).

L’intégration de ces enjeux de politiques publics au sein de la commande publique est notamment impulsée par le droit européen qui incite l’acheteur à prendre en compte les considérations femmes-hommes dans les marchés publics lorsqu’elles se rapportent à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution (cf. Directive 2014/24/UE du parlement européen et du Conseil du 26 février 2014) et cela, au sein des clauses d’exécution du cahier des clauses administratives particulières (CCAP)  ou dans les critères d’attribution du règlement de consultation (RC).

Cette lutte contre la discrimination ne doit cependant pas porter sur des considérations relatives à la politique générale de l’entreprise. En effet, le Conseil d’Etat a plusieurs fois précisé lorsque des critères d’attribution qui avaient pour objectif d’évaluer la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des candidats n’étaient pas liés à l’objet ou aux conditions d’exécution du marché, ce critère n’était pas valide car trop général et justifié alors l’annulation de la procédure (CE, 25 mai 2018, n° 417580 ; CE, 15 févr. 2013, n° 3639210). Toutefois, dans une ordonnance du TA de Bastia en date du 20 juillet 2022, le juge des référés a validé explicitement le recours à un critère RSE en précisant que pour être légal, ce critère doit être d’une part en lien avec l’objet du marché mais aussi d’autre part suffisamment précis pour ne pas laisser une marge de choix indéfinie au pouvoir adjudicateur (TA Bastia, 20 juill. 2022, n° 2200797).

De manière opérationnelle, le guide précise qu’un acheteur peut repenser son besoin visant à inscrire, dans des contrats qui s’y prête particulièrement, des exigences visant à ne pas véhiculer des stéréotypes de genre.

Par exemple, dans un contrat de mobilier urbain, l’acheteur peut exiger qu’il ne véhicule aucun stéréotype de genre concernant l’affichage. Ou encore pour des marchés de fourniture de matériels pédagogiques, l’acheteur peut exiger que des matériels ludiques, pédagogiques ou éducatifs ne concourent pas à véhiculer des stéréotypes genrés discriminants.

L’acheteur peut aussi répondre aux besoins spécifiques des femmes à travers certains marchés tel qu’en développant des opérations qui déploient des distributeurs de protections périodiques gratuites pour l’usagère au sein d’établissement scolaire dans le cadre de la lutte précarité menstruelle.

De plus, l’acheteur peut s’assurer que les conditions de travail prennent en compte la mixité. Typiquement, dans le secteur du bâtiment, l’acheteur peut imposer des bases de vie sur certains chantiers qui peuvent accueillir un public féminin en tant que condition d’exécution du marché.

En outre, à travers des clauses ou des critères, l’acheteur peut prendre en compte les contraintes familiales et personnelles auxquelles sont confrontées les personnes affectées à l’exécution du contrat qui touchent plus particulièrement les femmes. Nantes Métropole a par exemple développé des clauses de progrès en inscrivant des prestations de nettoyage dans les heures de travail en journée et en continu.

Enfin, l’acheteur peut prévoir un critère d’analyse des offres sur l’égalité femmes-hommes tel que « les mesures mises en place par le titulaire pour promouvoir l’égalité femmes-hommes des personnels affectés à l’exécution des prestations ».

En conclusion, l’acheteur est un acteur qui peut, par le sourcing, le contrat et l’échange avec l’opérateur économique, promouvoir l’égalité femmes-hommes au sein de la commande publique.

Guide sur les aspects sociaux de la commande publique : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oecp/aspects-sociaux/Guide-aspects%20sociaux_vf.pdf?v=1663665806#%5B%7B%22num%22%3A637%2C%22gen%22%3A0%7D%2C%7B%22name%22%3A%22XYZ%22%7D%2C51%2C249%2C0%5D

Camille Tolos
Juriste-consultant et Chef de projet Ordiges France

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