– Etats-Unis, Afrique et Europe –
La digitalisation est un mot de racine anglaise dont le préfixe est « digital » qui signifie numérisation ; enregistrement sur support numérique ou informatiser des procédures physiques. Le suffixe « tion » signifie processus. En somme, la digitalisation est le processus par lequel un ensemble de données et de procédures sont numérisées et informatisées. La digitalisation juridique désigne donc ce procédé mais appliqué au monde juridique.
La présente publication est une analyse juridique de portée internationale. Cette analyse est illustrée par les cas du Maroc pour l’Afrique, l’Etat Floridien pour les Etats-Unis et l’Union Européenne pour l’Europe. L’analyse mobilise également différentes branches du Droit Privé et du Droit Public (car les deux ne sont pas incompatibles ; elles sont même complémentaires) et apporte les clés de compréhension relatives à la digitalisation juridique selon les sociétés et les systèmes juridiques s’y rattachant.
Comment et dans quelles mesures la digitalisation juridique s’impose-t-elle dans les sociétés ?
La digitalisation juridique : entre résistance au changement et impérativité d’innovation
La digitalisation juridique comme branche de la transition numérique
La digitalisation est le processus par lequel une numérisation est réalisée. En d’autres termes, la digitalisation est un mode de fonctionnement qui passe par le biais de l’informatique (action de dématérialiser des processus).
La digitalisation juridique est quant à elle le processus par lequel le contenu juridique est dématérialisé afin de le rendre exploitable dans l’accomplissement d’une tâche. Ainsi, la tâche peut être réalisée dans le strict respect de la législation en vigueur.
La digitalisation juridique est efficace et a fait ses preuves autant dans les secteurs publics que privés.
La mise en œuvre de la digitalisation selon les systèmes juridiques et les paradigmes sociétaux
La digitalisation bouleverse les modes de fonctionnement au sein des sociétés. L’objectif est de désengorger la masse de travail qui pourrait être automatisée par le biais d’une intelligence artificielle. Ce désengorgement s’accompagne d’une sécurité juridique (grâce à la mise à jour de bases de données juridiques) et d’une simplification des échanges au sein d’une même structure.
Cependant, la transformation juridique est confrontée à une résistance au changement plus ou moins importante selon les régions du monde et selon les systèmes juridiques. En effet, la digitalisation juridique est un changement majeur dans la façon d’aborder des problèmes juridiques, dans l’établissement d’actes, de contrats etc…et c’est pour cela qu’elle sera accueillie de façon différente en fonction des Régions du Monde.
Le pionnier américain
Ab initio, les Etats-Unis ont une histoire empreinte de digitalisation et ce, à tous les niveaux. En effet, ils ont un système juridique particulier ; ils ont une législation propre à l’Etat fédéral (point de vue macro juridique) et des législations propres aux Etats fédérés (points de vue micro juridique). Ainsi, la digitalisation juridique sera sensiblement différente selon les systèmes juridiques et la culture des Etats fédérés.
En prenant le cas de l’Etat de Floride dans le Comté d’Orange, la digitalisation juridique y est très bien installée dans le système administratif et juridique autant que dans le système de normes. En effet, les solutions digitales ne manquent pas telles que l’automatisation des démarches administratives (via plateformes privées par exemple), l’interconnectivité entre le procureur (attorney) et l’avocat (lawyer) accompagné du circuit d’approbation par visa électronique (workflow) entre le Tribunal et la partie privée. L’intelligence artificielle occupe également une place de choix dans la gestion contractuelle et également en matière d’immigration via les procédures de visas.
Les Etats-Unis sont avancés dans leur processus de digitalisation juridique. Leur histoire et leur ouverture d’esprit en sont pour beaucoup. Mais quid des autres Etats dans le monde? Quels sont les enjeux et les potentiels de la digitalisation juridique des Etats africains sur la scène internationale?
La digitalisation juridique accompagnant le changement de paradigme sociétal
« Nulle affaire n’est fatalité, toute chose est à travailler » Souhella TAYA
La digitalisation juridique sera plus ou moins aisée selon les paradigmes sociétaux et les systèmes juridiques. Toutefois ceci n’est pas une fatalité car chaque transformation emporte reconsidération du système en vigueur.
L’intelligence juridique au service des diversités sectorielles africaines
Le remarquable potentiel marocain
Le changement de paradigme concernant la digitalisation est à mon sens déjà opéré en Afrique et notamment au Maroc. Selon les Statistiques de la Banque Mondiale, le Maroc est l’un des pays les plus riches d’Afrique ce qui pourrait expliquer en partie cette évolution. Le Maroc a déjà amorcé cette transformation numérique depuis quelques années. Toutefois, il est important de souligner que cette transformation numérique n’est à l’heure actuelle pas encore totalement finalisée.
Les richesses marocaines démontrent que le pays se développe rapidement et occupe une place de choix dans le continent africain et sur la scène internationale. De plus en plus d’acteurs sont formés à la digitalisation juridique (exemple en matière de cartographie des procédures juridiques, de gestion électronique de documents, de circuits contractuels ou encore en matière de compliance) : il s’agit d’un marché porteur (autant dans le secteur privé que public).
La digitalisation des services publics marocains
Le Maroc a fait de l’interconnexion entre l’administration marocaine et les citoyens une de ses priorités. Le but de ce remaniement est de facilité l’accès à l’administration par les citoyens et dans un même temps désengorgé les dits services : l’administré aura qu’une seule administration face à lui. Afin d’opérer ces mutations, la signature électronique légalisée (signature conformes aux législations en vigueurs) se met peu à peu en place. En effet, il est nécessaire d’établir des systèmes de signature électronique pour les services publics ou pour les administrés. Ainsi, les démarches peuvent être entièrement opérées sur internet.
Les enjeux de ces digitalisations sont multiples : désengorgement des services, réduction des émissions polluantes, proximité avec les administrés et accessibilité des démarches pour les MRE (Marocains Résidents à l’Etranger) et les binationaux.
L’électronisation des formalités administratives à fort workflow
La signature électronique a été instaurée bien avant la crise sanitaire Covid-19 par le Dahir n°1-07-129 du 30 novembre 2007 promulguant la loi n° 53-05 « échanges électroniques des données juridiques ». Dans cette continuité, l’administration marocaine s’est adaptée à l’Etat d’urgence sanitaire en mettant en place le décret- loi du 23 mars 2020. De facto, l’Etat d’urgence a permis l’accélération du processus et la démocratisation de la digitalisation juridique dans son ensemble.
Cette accélération du processus engendre des problématiques d’ordre logistique car la transformation numérique est différente selon les régions marocaines et les secteurs d’activités (primaire ou tertiaire) à aspirations différentes.
Le secteur agricole : un champ des possibles de digitalisation
D’après le Ministère marocain de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, l’agriculture représente près de 14% du PIB national marocain (qui a à sa tête le ministre Aziz Akhannouch). Il s’agit donc d’un secteur prometteur avec des spécificités techniques et structurelles particulières. Les acteurs du secteur agricole s’adaptent au monde des TIC (Technologie de l’Information et de la Communication) ; mettant ainsi en exergue le fort potentiel du secteur agricole marocain autant au niveau national qu’international (via les deux grandes façades maritimes marocaines favorisant les exportations). De ce fait, la digitalisation juridique de ce secteur ne peut que participer à la montée économique du Royaume car elle accélérera les prises de décisions et optimisera les process.
Dans quelles mesures la digitalisation juridique marocaine peut-elle influer directement sur l’économie du Royaume ?
A priori, il n’existe aucun lien de corrélation entre le Droit et les Finances et pourtant…
L’économie marocaine est à forte diversification (pétrole, agriculture, le secteur tertiaire dont le tourisme etc…). Cette diversification d’activités permet de palier à toute crise économique car le Droit encadre les situations économiques et les activités économiques et ce, de façon assez rapide sans qu’il n’y ait d’incidence néfaste majeure pour l’économie nationale. De ce fait (et dans un même temps), par l’accommodation du Droit aux législations internationales et au développement durable, la digitalisation juridique est adaptable à tous ces secteurs afin de rendre les exploitations sectorielles encore plus efficaces.
Ainsi, l’encadrement juridique est la clé de voûte de tout circuit car il permet de faciliter le développement économique (ex : PIB) et humain (ex : IDH). De plus, le volet environnemental occupe une place de choix dans les politiques internationales et notamment dans les préoccupations marocaines. Pour illustrer ces propos, des associations environnementales ont vu le jour grâce à des personnalités politiques ou encore des organisations non-gouvernementales afin d’inciter à la réduction de l’empreinte carbone. In fine, tous ces facteurs participent à la bonne santé économique du pays.
Quid de l’Europe ?
La digitalisation du Droit comme clé de sortie de crise
La conjecture européenne
L’intelligence artificielle est au cœur des préoccupations de l’Union Européenne. En effet, La commission européenne s’intéresse de près aux services numériques et la crise covid a accéléré la transition numérique de l’Union Européenne et a permis de surcroît l’augmentation de la compétitivité et de l’innovation européenne.
A l’image du Maroc, la digitalisation juridique européenne puise également sa motivation dans des paramètres écologiques. La présidente de la commission européenne pose très nettement les aspirations européennes en matière d’intelligence artificielle telle que l’adaptation numérique du marché unique européen pour les citoyens et les entreprises. L’intégration juridique du numérique dans le marché unique est un enjeu européen majeur d’autant plus que les données industrielles et publiques se multiplient avec le développement numérique. La transformation numérique doit donc s’établir avec une attention toute particulière portée au Droit pénal. En effet, la multiplication des données entraine un risque bien réel de cybercriminalité. De facto, la commission européenne fait de la cybersécurité une de ses priorités et ce, notamment dans la protection des données
Pour résumer
Bien que certains Etats sont prédisposés à la digitalisation juridique (exemple des Etats Unis ou du Japon qui a promis la mise en place d’un service numérique juridique en septembre 2021), il est fondamental de bien comprendre qu’il s’agit d’un processus d’apprentissage et de changement dans le fonctionnement des institutions : ce n’est pas inné, il s’agit bien là d’une acquisition. De facto, les régulations (légales ou réglementaires) font parties intégrantes du modus operandi de la digitalisation juridique. Cette dernière participe au développement économique et social d’un pays car elle encadre et garantie les pratiques économiques et les rend plus efficaces notamment par les processus automatiques de gestion administrative. De facto, l’économie peut être réorganisée et optimisée par le biais de la digitalisation juridique et ce, même pour les secteurs qui sont par essence primaires surtout lorsque ces derniers représentent une part importante du PIB national (exemple de la filière agricole au Maroc).
La digitalisation juridique est une branche d’avenir de l’intelligence artificielle car elle présente de nombreux intérêts tels que le gain de temps dans les procédures administratives, le gain de place, une centralisation et une sécurité optimale des services ainsi qu’une réduction des coûts par l’automatisation de certains procédés.
L’Intelligence Artificielle (IA) appliquée au monde du Droit est essentielle dans nos sociétés car elle permet la mise à jour des données légales, ce qui aura pour effet direct une meilleure maitrise du risque et un plus fort suivi du contentieux (potentiel ou réel). Toutefois, il est important de porter une attention toute particulière en matière de cybercriminalité par la lutte contre le piratage ou l’exploitation illégale des données.
Sources:
Le Petit Robert, Digitall-conseil, Justifit, Medias24.com, CFCIM, Agriculture.gov.ma ,La Banque Mondiale , Conseil Européen