Les modes alternatifs de règlements des différends ont pour vocation à trouver une issue amiable avant qu’une procédure juridictionnelle ne soit entamée ou menée à son terme.

Ces modes renvoient à la transaction, à la médiation et à la conciliation. L’arbitrage est quant à lui un mode juridictionnel de règlement des conflits.

La diffusion par l’État de ces modes alternatifs de règlements des différends peut être justifiée par une volonté évidente de désengorgement des tribunaux. Cependant, l’intérêt dans l’utilisation de ces outils, souvent méconnus, peut se trouver d’une part dans la célérité du temps de traitement de litiges qui peuvent être beaucoup plus rapides qu’un traitement juridictionnel (le délai moyen constaté dans les tribunaux administratifs est d’environ un an et demi pour juger une affaire) et d’autre part permettent une approche coopérative dans la résolution du litige, à l’opposé d’un passage au tribunal qui détériore généralement la relation entre deux partenaires.

Dans cette brève juridique, il sera spécifiquement question de s’interroger sur les opportunités et limites dans la saisine d’un comité consultatif de règlements amiable des différends dans le cadre de l’exécution d’un marché public

 

Le principe du recours aux comités consultatifs de règlement amiable des différends comme organisme de conciliation 

A titre liminaire, la saisine d’un comité consultatif de règlement amiable des différends vaut procédure de conciliation. A ce titre, le conciliateur est chargé de garantir un terrain d’entente minimale sans définir lui-même les termes d’un éventuel accord.

Le recours à un conciliateur et donc à un comité consultatif de règlement amiable des différends peut être un recours préalable obligatoire ou facultatif avant l’introduction d’une requête en justice.

En effet, ce recours peut être imposé par des clauses de conciliation au sein d’un contrat public. D’ailleurs, le juge administratif n’hésite pas à sanctionner le non-respect de celles-ci par une irrecevabilité.

Le champs d’application des comités consultatifs de règlement amiable des différends relatif aux marchés publics, créé initialement en 1981(Décret n°81-272 du 18 mars 1981 )pour les marchés de l’Etat et de ses établissement publics, s’est élargi, d’abord par l’instauration d’un comité national auprès du Premier ministre en 1991(Décret n°91-204 du 25 février 1991) puis par de nombreux autres décrets qui permettent à ces organismes d’avoir une instance régionale, interrégionale ou interdépartementale.

Aujourd’hui codifié au sein du code de la commande publique, depuis le 1er avril 2019, les comités consultatifs peuvent avoir soit une compétence nationale, placé auprès du ministre chargé de l’Économie pour des litiges relatifs à des marchés qui couvrent des besoins qui excèdent la circonscription d’un comité local et qui concerne des marchés passés par des services centraux de l’Etat ou de ses établissement publics autres que ceux à caractère industriels et commerciales, soit une compétence locale dont la liste est fixée par arrêté(Annexe n° 18 du code de la commande publique / arrêté du 22 mars 2019 – JO 31 mars 2019) pour des litiges relatifs aux marchés passés par les collectivités territoriales, leurs groupements ou leurs établissements publics, par les services déconcentrés de l’Etat ainsi que, lorsque ces marchés couvrent des besoins limités à la circonscription de compétence du comité local.

Qu’il soit national ou local, un comité n’a vocation qu’à proposer une solution amiable et équitable, fondée sur des éléments de droit et de fait, aux différends relatifs à l’exécution des seuls marchés passés en application du code de la commande publique. En toutes hypothèses, les conventions de subventions et les conventions d’occupation du domaine public sont hors du champ de compétence de ces comités.

Ils peuvent être saisis par les titulaires des marchés publics ou les personnes publiques. Ces derniers doivent exposer les motifs du différend ou bien la nature et le montant des réclamations, accompagnées des pièces contractuelles et de toutes correspondances relatives au différend, par une note.

 

Une composition plurielle gage d’équité 

La composition des comités est plurielle afin de mobiliser les compétences qui peuvent permettre de trouver une solution amiable et équitable du litige. A travers ces comités, des juges administratifs, des représentants de collectivités territoriales se retrouvent si cela concerne un comité local et des personnalités qualifiées dans le secteur d’activité du marché en cause.

Cette composition permet le traitement équitable d’un litige tant pour l’acheteur public que pour son cocontractant.

 

La suspension des délais de prescriptions et de recours contentieux 

La saisine d’un comité permet de suspendre les délais de prescriptions (Article L. 2197-3 et L. 2397-1 du code de la commande publique) et de recours contentieux(Article R. 2197-16 et R. 2397-1 du code de la commande publique). En effet et contrairement à l’interruption de délais, la suspension ne réinitialise pas les délais mais les fait repartir à l’état d’avant saisine. Cette suspension reste toutefois très protectrice pour les intérêts du titulaire du marché. Le délai ne recommence à courir qu’après avis exprès de l’acheteur public sur l’avis du comité. A défaut, les délais de recours contentieux seront inopposables, à condition toutefois que la saisine du tribunal se fasse dans un délai raisonnable dans la continuité de la jurisprudence Czabaj.

L’accès aux mesures d’instructions et pouvoir d’instruction du rapporteur 

De plus, cette saisine ne prive pas l’une des parties de solliciter des mesures d’instruction tel qu’un référé à fins d’expertise.

Le rapporteur du comité consultatif dispose d’un pouvoir d’instruction qui lui permet d’avoir « accès à tous documents administratifs utiles pour le règlement du différend et questionne oralement ou par écrit les représentants des parties. Il peut les convoquer. Dans ce cas où le traitement de l’affaire l’exige, le président autorise le rapporteur à se déplacer ». (Art. D2197-18 – Décret n°2018-1075 du 3 décembre 2018)

La formalisation de l’issue des échanges et confidentialité 

Le comité dispose à compter de sa saisine d’un délai de six mois, qui peut être prolongé de trois mois au maximum, pour notifier son avis à l’acheteur et au titulaire ainsi que pour information, transmettre au préfet, pour les comités locaux et au ministre chargé de l’économie pour le comité national). Cet avis est non obligatoire et non conforme pour la personne publique. Cet avis ne lie pas non plus les parties mais son autorité morale est très forte et est généralement suivie. La doctrine évoque même le terme d’instance quasi arbitrale statuant en équité.

Lorsque les parties décident de suivre cet avis, celui-ci produit des effets de droit entre les parties qui y ont consenti. Cette acception peut s’assimiler à une transaction, bien qu’un tel accord nécessite d’être formalisé par écrit. Par ailleurs, l’acceptation par l’entreprise de la proposition du comité confère un caractère définitif à l’avis du comité.[1]

Cette procédure de conciliation est confidentielle et trouve son point d’équilibre entre l’impératif de transparence administrative et la vie des affaires. Il s’agit en effet de s’assurer que les éléments échangés dans ce cadre ne puissent pas ultérieurement être invoqués, devant le juge, dans l’hypothèse où le processus juridictionnel devrait reprendre son cours.

 

La compétence limitée des comités consultatifs de règlement amiable des différends 

Il est important de souligner que ces comités ne peuvent être saisis que pour des difficultés liées à l’exécution du contrat et notamment sur des questions financières.

Dès lors, en premier lieu, ces comités ne peuvent tenir lieu d’organe chargé des médiations.[2]

En deuxième lieu, ces comités semblent incompétents pour des saisines qui concernent la contestation de la régularité ou du bien-fondé d’une mesure de résiliation en vue d’obtenir la reprise des relations contractuelles. En effet, pour la Cour administrative d’appel de Marseille dans un arrêt de 2021, le litige ne s’étend pas à la seule exécution du contrat mais dépasse ce cadre-là. De ce fait, la saisine du comité sur ce motif n’a pas pour conséquence de suspendre les délais. En l’espèce, le requérant s’était retrouvé forclos pour intenter un recours de plein contentieux tendant à la reprise des relations contractuelles (dit Recours Béziers II).

En troisième et dernier lieu, le titulaire du marché qui doit remettre un mémoire en réclamation au représentant du pouvoir adjudicateur à un délai de 30 jours à compter de la notification du décompte général (CCAG Travaux 2021, art. 55.1.1). Passé ce délai, le décompte devient définitif et ne peut plus être contesté. A ce titre, la saisine de ces comités par un titulaire du marché ne peut intervenir qu’après l’envoi du mémoire en réclamation. La Cour d’appel de Bordeau dans un arrêt de 2019 précise alors que la saisine de ce comité ne peut avoir pour effet de suspendre le délai de remise du mémoire en réclamation.

 

Le comité consultatif de règlement amiable des différends relatif à l’exécution d’un marché public, une réelle opportunité ?

Cet organisme donne donc à l’acheteur public ou au titulaire du marché l’opportunité d’engager un processus de règlement de différend basé sur la coopération tout évitant l’augmentation des intérêts moratoires, sous le joug de la confidentialité des échanges. Dans tous les cas, sa saisine permet une suspension des délais, que ce soit de prescription ou de recours contentieux.

Cependant, la compétence de ce comité reste circonspecte à l’exécution d’un marché public et ne peut, à l’inverse du médiateur des entreprises, jouer un rôle actif dans l’adoption de l’accord avec les parties.

Toutefois, l’intérêt dans la saisine de ce comité, si les parties décident de tenir compte de la position de ce dernier, présente des avantages qui ne se retrouvent pas aux termes de procédures contentieuses et juridictionnelles, surtout dans un contexte où la mise en œuvre des nouveaux CCAG 2021 pourrait poser un certain nombre de problématique sur l’exécution des contrats publics.

Sources : Legi-France.gouv.fr – Conseil-etat.fr

[1]  CE, 4 novembre 2005, Société Amec Spie, n°263429

[2] Comm. marchés publ. Etat, rapp. d’activité 2009, p. 33

Camille TOLOS

Juriste-consultant Ordiges France

Spécialisé en Droit public des affaires et en Droit de l’urbanisme

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